PILIER 3 : PRODUCTION ET VALORISATION DE L’HYDROGÈNE
L’hydrogène est considéré aujourd’hui comme le vecteur d’énergie du futur le plus prometteur surtout lorsqu’il est produit à partir de sources renouvelables. Par exemple, les véhicules équipés de piles à combustible présentent des autonomies très supérieures à ceux équipés de batterie. Le rechargement en hydrogène est rapide mais le développement de ce type de véhicule risque d’être freiné si les stations en hydrogène ne sont pas en capacité de produire suffisamment de combustible.
La production d'hydrogène vert provenant de sources renouvelables est une priorité nationale importante. En effet, le gouvernement a prévu d'investir plus de 7 milliards d'euros sur une période de 10 ans pour soutenir cette initiative. De plus, 1,9 milliard d'euros seront dédiés au développement de la filière hydrogène dans le cadre du plan d'investissements France 2030, représentant un budget total de 30 milliards d'euros.
L'hydrogène joue un rôle essentiel en permettant le stockage de l'électricité produite de manière intermittente, ce qui contribue à résoudre le défi de la disponibilité constante de l'énergie renouvelable. Après obtention de l’hydrogène par l’électrolyse de l’eau, il peut être directement utilisé pour alimenter ou réagir avec du dioxyde de carbone pour produire du méthane ou des molécules plateformes à hautes valeurs ajoutées, on parle de « power to gas ».
L’utilisation d’électricité issue de sources renouvelables permet la production d’hydrogène vert. Cet hydrogène est soit utilisé directement, soit stocké dans des bouteilles à haute pression, il peut également alimenter des piles à combustible. Le principe des piles à combustible est de faire réagir de l'hydrogène H avec de l’oxygène O pour créer de l'électricité, le tout en émettant uniquement de l’eau : zéro carbone, ni particules fines, ni pollution. L’énergie électrique fournie par la pile permettra alors de réguler et stabiliser la consommation à des périodes de sous-production des énergies renouvelables.
Nous sommes ainsi en présence d’une boucle fermée : hydrogène → Électricité → hydrogène.
Cette thématique est complémentaire du pilier 1 et 2 puisque l’alimentation d’objets connectés du futur (pilier 2) par des micro piles à combustible est envisageable et l’électrolyse de l’eau peut également être réalisée à l’aide d’électricité issue du nucléaire pendant les heures creuses, on parle alors d’hydrogène jaune (pilier 4). La température de l’électrolyse conditionne directement la quantité d’électricité complémentaire à apporter pour dissocier la molécule d’eau. Dès les années 2000, l’amélioration du rendement des électrolyseurs à électrolytes solides (PEM ou SOEC pour Solid Oxyde Electrolysis Cell) par augmentation de leur température a fait l’objet d’un important effort de recherche.
L’hydrogène gris provient du méthane et de l’H2O, sa technique principale est le reformage à la vapeur, et ses émissions sont de 10 kg de CO2 par kg d’hydrogène produit. L’hydrogène jaune provient de l’H2O et de l’électricité nucléaire, sa technique principale est l’électrolyse et il ne produit aucune émission. L’hydrogène bleu provient du méthane et de l’H2O, sa technique principale est le reformage à la vapeur, ses émissions sont une partie du CO2 émis mais elle est captée et stockée de manière pérenne. Enfin, l’hydrogène vert provient de l’H2O et de l’électricité renouvelable (éolienne, solaire, ou hydroélectrique, etc), sa technique principale est l’électrolyse et il ne produit aucune émission.
Objectifs et verrous scientifiques
Il existe encore à ce jour quelques verrous à lever, notamment le développement d’électrolyseurs à oxyde solide. En effet, en plus d’avoir de meilleurs rendements que les technologies alcalines utilisées aujourd’hui, ces derniers ont l’avantage de permettre la co-électrolyse de l’eau et du dioxyde de carbone créant ainsi du gaz de synthèse facilement valorisable. Plus largement, la gestion de l’intermittence des dispositifs présente également un verrou. L’abaissement des températures de fonctionnement et la durabilité de ces dispositifs sont au cœur des recherches des chimistes du solide. La co-électrolyse et la production de molécules à valeurs ajoutées comme l’éther diméthylique ouvrent de nouvelles perspectives. Ainsi, l’UCCS travaille aujourd’hui sur le développement de piles à combustible à oxyde solide conducteur par ions oxyde basse température (ANR BIBELOT) et la recherche et le développement rapide de matériaux pour des piles à combustible à oxydes conducteurs protoniques (ANR-AUTOMAT-PROCELLS). Il s’attache également à développer les outils de caractérisation des modes de dégradation de ces dispositifs dans le cadre d’un projet EUROSTAR porté par une PME Suisse, Fiaxell.
Les laboratoires CRIStAL et UCCS sont par ailleurs impliqués dans un projet Interreg qui traite du « power to power » et du « power to gas » allant de la gestion électrique issue du renouvelable en amont de la chaine (CRIStAL) à la transformation de l’hydrogène produit en molécule à valeur ajoutée pour la production de carburant innovant (UCCS) (Projet européen E2C, projet national HYSPAC).
En outre, les aspects gestion du réseau électrique et mobilités qui sont partie intégrante des activités du L2EP, ajoutons que les équipes du CNRS sont membres ou associés à la Fédération de Recherche Hydrogène (FRH2, FR2044) qui est portée par le CNRS.
Ainsi, l’ensemble de la chaine depuis la production électrique au carburant innovant est couvert par les acteurs du site lillois.
Description par tâche
L'objectif est de créer une plateforme hydrogène complète qui englobe la gestion de l'électricité provenant de sources renouvelables (Plateformes Multisources Polytech Lille), le développement de piles à combustible et d'électrolyseurs à oxydes solides durables (Plateau Énergie de la fédération Chevreul), la production de combustibles novateurs (Plateforme Realcat) et l'étude de l'intégration des véhicules hybrides (Plateforme "e-V").
La première tâche est dédiée à la production et au stockage de l’hydrogène vert (Plateforme Multisources Polytech Lille), la deuxième tâche concerne le stockage de l’hydrogène (Plateforme à mettre en place), la troisième tâche est focalisée sur une pile à combustible pour la mobilité propre (véhicule hybride plateforme FST L2EP), et la quatrième et dernière tâche est dédiée à la synthèse de l’Éther Diméthylique par Sorption (Plateforme Realcat, UCCS, Centrale Lille).
Impacts
De multiples avantages sont attendus, parmi lesquels:
- La réduction des coûts de maintenance des équipements des plateformes multi-sources (éoliennes, panneaux solaires, électrolyseur et pile à combustible);
- La possibilité de mettre en place des tests de faisabilité et des calculs technico-économiques avant la réalisation des installations de production et stockage de l’électricité « verte »;
- La diminution des coûts de production de l’électricité décarbonée;
- La mise en place d'un suivi en ligne de l’efficacité énergétique;
- La production de nouveaux produits chimiques (carburant DME).
La région Hauts-de-France dispose d'une opportunité intéressante pour développer une industrie axée sur l'hydrogène grâce à la mise en place d'un parc éolien et au maintien de la Centrale de Graveline. Un projet en particulier se démarque, celui de la construction d'un parc d'électrolyseurs. Dans un premier temps, la technologie alcaline sera probablement utilisée, mais compte tenu de la demande croissante en hydrogène, la technologie à oxyde solide jouera un rôle majeur dans environ une dizaine d’années.
La mise en place de formations de type Master au sein de la Graduate School de l'Institut d'ingénierie Lillois ouvre de nouvelles perspectives dans les domaines clés tels que les systèmes de production d'hydrogène, l'utilisation des piles à combustible, l'exploitation de la molécule d'hydrogène, le contrôle et la sécurité, ainsi que les énergies renouvelables. Ces programmes de formation spécialisés permettent de former une nouvelle génération d'experts qualifiés, prêts à relever les défis de la transition énergétique.